Volksbühne Bordbuch

VOLKS/BÜHNE _BORDBUCH

Texte  Cosima Weiter
Photographie Alexandre Simon
 

Berlin, 30 mars 2016

 

 

 

 

 

 

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Nous avons pris rendez-vous aux archives de l’Akademie des Künste pour revoir la captation de die Bauern. Nous sommes étonnés que nous souvenirs nous aient à point trompés. En fait, la captation n’est pas celle du spectacle, il s’agit plutôt d’une série documentaire réalisée au fil des répétitions, mettant en perspective les choix opérés tout au long du processus de travail. Ainsi nous voyons se construire la scénographie, les costumes, les maquillages, la gestuelle et les attitudes de chacun des acteurs au fil des répétitions.
 
L’ensemble est passionnant, le travail se déroule sur plusieurs mois et les modifications apportées tout au long des répétitions relèvent parfois d’un véritable travail d’orfèvrerie. Il est cependant terriblement frustrant pour nous, car le spectacle lui-même n’a pas été filmé dans son ensemble, et pour finir nous n’en avons qu’une idée fragmentaire.      
 
 
 
 

  

Berlin, 29 mars 2016

 

 

 

 

 

 

LucieZelger

 

 

 

 

 

Nous avons rendez-vous avec Lucie Zelger, qui jouera dans Volks/bühne. Je souhaite l’interroger car je me suis dit que le personnage de la jeune actrice de l’Ouest n’est pas très éloigné d’elle. Puisque nous nourrissons nos personnages de substance réelle, pourquoi pas de l’expérience de la comédienne avec laquelle nous allons travailler ? De plus, Lucie est magnifiquement investie dans le projet et nous a déjà mis en contact avec plusieurs interlocuteurs précieux pour le spectacle, comme Christiane et Elke Wiegand. Elle arrive avec son petit garçon Leopold, un peu confuse. Elle n’a pu le confier à personne ce matin. On peut remettre à demain si vous voulez… Mais non, nous n’allons pas remettre à demain. La question de l’enfant et des problèmes organisationnels qui y sont liés est justement l’une de celles que je souhaite poser à Lucie, car elle me semble très révélatrice du fonctionnement de la société actuelle. Nous nous installons donc dans une pièce et les enfants, puisque notre fille est là elle aussi, dans l’autre avec dînette et cheval à bascule. Ils s’occuperont pendant l’interview.  
 
Lucie est germano-suisse. Sa mère a longtemps repoussé son héritage allemand et ne lui a que peu parlé allemand dans son enfance. Le choix de Lucie consistant à travailler essentiellement avec des metteurs en scène allemands et de s’installer à Berlin est une question de goût et de rencontres. Après avoir travaillé très tôt avec Michel Deutsch pour Müller Factory, puis la Décennie Rouge, qui parlait de la Fraction Armée Rouge, elle a assisté Manfred Karge pour la Vie de Galilée de Bertolt Brecht, et joué pour Matthias Langhoff dans Dona Rosita de Garcia Lorca. Elle note que la manière de travailler est différente avec ces metteurs en scène d’une autre école. Les comédiens connaissent le texte au début des répétitions, mais ils n’ont pas à le savoir par coeur d’emblée. Les premières répétitions se déroulent texte en main. Le texte se grave dans la mémoire corporelle du comédien parce qu’il est en situation de le dire. Les indications données par le metteur en scène sont très prosaïques, épluche donc ces pommes de terre, avance-toi, baisse les bras… La présence de Lucie à Berlin résulte peut-être par ailleurs d’une forme de réappropriation d’un bout de son histoire. Elle évoque ainsi les années qui lui ont été nécessaires pour se construire un réseau ici, le fait d’être régulièrement renvoyée à son étrangeté, ne serait-ce que par le fait que son agent a inscrit dans sa présentation le français comme sa langue maternelle…

 



   



 

Berlin, 24 mars 2016

 

 

 

 

 

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J’ai rendez-vous aux archives de la Volkbühne pour consulter les documents liés à die Bauern, la pièce de Heiner Müller. Barbara Schultz, l’archiviste au combien dévouée et passionnée de la Volksbühne a déjà préparé pour moi sur la table le petit fascicule du texte et monte sur une échelle pour aller chercher le reste, à savoir des retranscriptions de discussions préparatoires entre le metteur en scène Fritz Marquardt, le scénographe Pieter Hein et le dramaturge en amont des répétitions. Ils y partagent nombreuses réflexions sur la présence des objets sur scène, qui ne doit pas excéder le nécessaire, et sur la lumière dont il faudrait qu’elle éclaire aussi le public afin qu’il se sente concerné lui aussi par ce qui se passe sur le plateau et pas seulement un spectateur confortablement installé dans son siège.

 

Les liasses de papier contiennent aussi des documents éclairant pour la pièce de Müller, tels que les rations journalières de nourriture prévues pour les différents groupes de la population : enfants, femmes, femmes enceintes ou allaitantes, travailleurs manuels, agriculteurs, employés de bureau…etc.. Eléments qui permettent de mieux saisir le contexte dans lequel se déroule la pièce de Müller.

 

Je reste plusieurs heures aux archives à compulser ces précieuses sources d’informations, tissant intérieurement les liens avec notre propos et la situation actuelle. La manière dont Niet, la déplacée est malmenée par les villageois résonne amèrement avec l’accueil réservé aux réfugiés aujourd’hui.

 

 

 



 

Berlin, 27 octobre 2015

 

 

 

 

 

 

HenningSchaller

 

 

 

 

 

L’Histoire se souviendra de Henning Schaller car il a fait partie des organisateurs de la manifestation du 4 novembre 1989 sur Alexanderplatz. Mais Henning Schaller est scénographe. Sa carrière est riche d’expériences diverses et de projets menés tant en Allemagne qu’à l’étranger. Il a collaboré avec Fritz Marquardt sur de nombreuses créations, dont Die Bauern.

 

Henning se souvient de la lecture exigeante de Fritz Marquardt. Ce travail pointilleux était diversement apprécié des comédiens. Certains plaisantaient en l’appelant le professeur, tandis que d’autres se sont vraiment révélés comme des acteurs de Marquardt. En lien avec l’écriture de Müller, Marquardt a choisi pour cette pièce un jeu exagéré, des costumes retravaillés pour accentuer les attitudes et les défauts physiques des comédiens. Henning Schaller m’explique que Fritz Marquardt dirigeait les répétitions de manière non conventionnelle. Il ne montrait pas aux comédiens ce qu’ils devaient faire, mais les amenaient à développper leur jeu au-delà du naturalisme plat. Il se souvient que Hermann Beyer qui jouait Flint avait une vraie compréhension de cette manière de faire. Par ailleurs, l’équipe technique assistait aux répétitions et pouvait ainsi modifier et retravailler d’une fois sur l’autre les éléments du décor et des costumes, au fil du travail. Au départ, les comédiens portaient des costumes récupérés, à partir desquels le costumier pouvait travailler. Ainsi Henning avait trouvé pour le personnage de Fondrak un frac blanc beaucoup trop neuf, alors profitant d’une pause, il avait enfilé le costume et était allé se frotter contre les murs de la cave du théâtre. C’est à cette étrange occupation que Benno Besson l’avait trouvé et lui avait demandé ce qu’il faisait là…  


L’atmosphère des répétitions était assez tendue. En effet, suite à la réaction du parti en 1961, lors de la première mise en scène de la pièce par Tragelehn, l’équipe ignorait jusqu’à la fin des répétitions si les représentations seraient autorisées ou non et avec quelles suites... Mais Benno Besson veillait. Le jour de la générale, à laquelle assistait une représentante du Parti dont le rôle était de délivrer ou non les autorisations en vue des représentations, il a chaleureusement félicité Marquardt de manière très ostensatoire, donnant à sa manière le feu vert aux représentations. En refusant l’autorisation, la dame du Parti aurait dû se mettre en conflit avec lui, ce qui n’était guère possible à cette époque-là.  

 

Henning était loin d’être un communiste convaincu. En 1968, Le beau-frère de Henning voulait étudier la physique à Prague, mais il a eu la mauvaise idée de distribuer des tracts contre la marche des troupes sur Prague. Il fut arrêté et emprisonné pendant deux ans. Henning et son épouse, par mesure de précaution, purgèrent alors leur bibliothèque de tous les ouvrages qui pourraient leur attirer des ennuis si la Stasi venait visiter leur appartement. Le caractère arbitraire et la violence de la justice telle qu’elle s’exerçait en RDA ont largement participé à détruire les ardeurs socialistes de Henning Schaller. Ses fils partagent certainement son opinion, eux qui des années plus tard furent arrêtés pour avoir crié Gorbi Gorbi ! lors des manifestations qui se déroulèrent en marge de l’anniversaire des 40 ans de la DDR. Par chance, ils réussirent à s’échapper du fourgon qui les emmenait en prison avant d’arriver à destination…  

 

Et pourtant, Henning était plutôt privilégié, puisqu’il avait la possibilité de voyager, y compris à l’Ouest et on lui a parfois demandé pourquoi il a toujours choisi de revenir de ces voyages, qui auraient pu lui donner la possibilité de s’exiler définitivement. Mais il avait un travail ici, qui le passionnait et aussi une famille, ce qui le ramenait immanquablement à l’Est, quelles que soient ses opinions.  

 

J’évoque alors le fait qu’au moins à l’Est ils disposaient d’une forme de sécurité matérielle. Il soupire et répond : à l’époque on payait 77 marks de loyer pour cet appartement. Mais pour cette somme, ils ne pouvaient faire aucun travaux, et s’il y avait un trou dans le toit ou une fuite d’eau, les choses restaient ainsi…  

 

Il se rappelle avec émotion et joie du soir où il a pu traverser le mur à Bornholmerstrasse. Pour autant, Henning n’est pas satisfait de la manière dont la réunification s’est déroulée et des résultats auxquels elle a conduit. Une troisième voie lui aurait semblé préférable, mais sitôt le mur tombé, la RDA s’est effondrée et a été purement et simplement phagocytée par la RFA.  

 

Après 1989, il est allé voir son dossier à la Stasi. Il y a lu la confirmation de ce qu’il savait intuitivement. Il était surveillé, et l’était notamment par trois de ses collègues du Gorki Theater, dont c’était en réalité la tâche principale.

 

 

 

 

 

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HermannBeyer

 

 

 

 

 

Le même jour, nous allons chez Hermann Beyer. Il est comédien, il était engagé à la Volksbühne dans les années septante et a joué dans Die Bauern en 1976. Je lui ai écrit pour lui parler de notre projet et il a gentiment accepté d’exhumer pour nous ses souvenirs. 1976, c’était précisément l’année de la déchéance de nationalité de Wolf Biermann. Hermann parle de la manière dont cette affaire a pesé sur la période de création de die Bauern. Des discussions qui avaient lieu en marge des répétitions. Il se souvient que le metteur en scène Matthias Langhoff, qu’il connaissait bien, avait d’abord décidé de ne pas signer la pétition de soutien à Biermann. Mais rentrant chez lui, il avait appris que son épouse l’avait fait. Il l’avait alors imitée pour éviter les pressions de la Stasi. Ils seraient ainsi tous les deux logés à la même enseigne, contrairement à Irene Böhme, la dramaturge de Fritz Marquardt, qui n’avait pas signé bien que son mari l’ait fait. Mais tous représentaient le Parti à la Volksbühne. Matthias Langhoff et Irene Böhme quittèrent leurs postes, et ne furent pas inquiétés dans l’immédiat. Hermann quant à lui demeure persuadé qu’il aurait été protégé en cas de faux pas. Il n’a pas comme Fritz Marquardt connu les rigueurs de la Sibérie…
 
Il faisait malgré tout attention à qui il disait quoi. Il savait que certains des employés de la Volksbühne travaillaient pour la Stasi. Et il fut une fois contacté par l’un de ses anciens camarades de classe, devenu membre de la Stasi, qui lui a demandé de travailler pour leurs services. Après avoir demandé un délai de réflexion, Hermann a refusé pour des raisons professionnelles, disant que son métier le conduisait déjà à la schizophrénie. Il n’a plus été approché.  
 
Ce n’est que deux ans plus tard, en 1978, lorsque Benno Besson quitta la direction de la Volksbühne et Berlin-Est que les conséquences se firent sentir pour les signataires de la pétition en faveur de Wolf Biermann. Benno Besson parti, la protection que représentaient sa notoriété et ses liens avec l’étranger se dissipa. Fritz Marquardt et Irene Böhme furent exclus du Parti. Le nouveau directeur proposa une programmation qui correspondait à la ligne politique souhaitée. Il n’était pas apprécié des comédiens de la Volksbühne. Beaucoup restèrent cependant parce qu’ils continuaient de jouer les pièces mises au répertoire par Besson. Hermann, quant à lui, a quitté son poste à la Volksbühne en 1980, mais a continué de jouer dans les pièces du répertoire.
 
Concernant la place de la femme en DDR, il se rappelle que les postes de direction étaient majoritairement donnés aux hommes. Au théâtre, les hommes avaient davantage de rôles que les femmes, et elles recevaient des gages moins élevés.  
 
Lorsque j’interroge Hermann sur l’évolution de son métier de comédien, il se rappelle que la fréquentation des théâtres a drastiquement diminué à partir de la chute du mur. Il se souvient de spectacles de Müller joués devant des salles vides. La chute du Mur a entraîné de nombreux changements de direction dans les théâtres, et les acteurs ont vu leurs contrats résiliés et ont été remplacés, ce qui était impensable auparavant. Aucun changement n’était envisageable dans les équipes, si ce n’est que certains talents se sont brisés pour des raisons personnelles ou politiques… A partir de cette période, Hermann a davantage travaillé pour le cinéma et la télévision. Là aussi les conditions ont changé et le rythme de travail a considérablement accéléré : là où l’on prévoyait 60 jours de tournage autrefois, on n’en compte plus que 25, 30 dans le meilleur des cas aujourd’hui.
 
 
 
 

 

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Berlin, 16 octobre 2015

 

 

 


Rencontre avec la costumière Heidi Brambach.

 

 

 

 


 

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 Heidi Brambach

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Berlin, 20 août 2015
 
 
 
 
 
Rencontrer Christiane et Elke nous a permis de nous représenter plus précisément le quotidien d’une mère célibataire travaillant dans le milieu artistique dans les années 1980 à Berlin-Est. La situation d’Elke, celle d’une femme qui s’épanouit dans son travail, qui a une vie sociale intéressante, un confort matériel suffisant, aucune angoisse du lendemain et se garde d’engagements politiques qui pourraient l’entraîner dans des situations fâcheuses me semble représentative d’une partie non négligeable de la société est-allemande.  
 
 
Dans ce cas précis, l’articulation du politique et de l’intime qui nous préoccupe particulièrement me semble aller de soi dans la mesure où Elke a une profonde foi dans le socialisme. Les critiques qu’elle formule à l'encontre de l’Etat socialiste portent sur la pesanteur bureaucratique, l’obsession du contrôle du citoyen, la censure… Autant d’atteintes à la liberté qu’elle juge insupportable, autant de dérives indéfendables mais sur le fond, elle adhérait, et adhère aujourd’hui encore aux idéaux socialistes. Comme beaucoup, elle s’arrangeait donc pour vivre aussi bien, aussi librement que possible et selon ses idéaux dans ce contexte. Elle fait de même aujourd’hui, dans un contexte bien différent…  
 
 
Nous éprouvons maintenant le besoin de recentrer notre travail sur la Déplacée, de Heiner Müller. Cette pièce me fascine. La manière dont les personnages mus tels des pantins par des ressorts grossiers, relevant systématiquement de l’intérêt personnel me questionne. Sa construction implacable, qui met chacun face à sa médiocrité me bouleverse, d’autant qu’elle est liée comme toujours à la langue, incroyablement précise, sans échappatoire qui est celle de Müller. La pièce qui retrace notamment les diffucltés de la Déplacée pour s’intégrer dans le village entre étrangement en résonnance avec la situation actuelle. Par ailleurs, l’histoire de cette pièce, dont la création en 1961 entraîna l’emprisonnement du metteur en scène Tragelehn et le renvoi de Müller de l’Union des écrivains suscite aussi notre intérêt. Nous souhaitons décidément que La Déplacée accompagne notre spectacle, non seulement pendant tout le travail préparatoire, mais jusqu'au plateau.  
 
 
Nous partons donc à la recherche de ceux qui ont collaboré à sa nouvelle création en 1976. Fritz Marquardt, le metteur en scène est mort, Pieter Hein le scénographe également. Mais d’autres sont bien vivants et actifs. Nous allons prendre contact avec eux. Je trouve l’adresse de Henning Schaller et de Heidi Brambach qui collaborèrent à la création des costumes. Je m’adresse aussi au comédien Hermann Beyer qui joue actuellement dans le feuilleton télévisé Bornholmerstrasse qui retrace la chute du mur depuis le poste frontière du même nom.
 
 
 
 
 


Berlin, 14 août 2015

 

 

 

 

 

 

ElkeWiegand

 

 

 

 

 

 

Elke est la mère de Christiane, que nous avons rencontrée il y a quelques jours. Elle habite à Marzahn et évoque les difficultés de logements à Berlin dans les années soixante et septante. Venant de Halle, elle n’avait trouvé qu’un petit appartement vétuste avec toilettes sur le palier, il ne comportait pas de salle de bains et était chauffé au charbon, quoique le terme "chauffé" soit impropre car il y faisait toujours froid, précise-t-elle en riant. L’appartement était au cinquième étage sans ascenseur, difficile d’y accéder lorsqu’on est enceinte. Difficile d’imaginer y élever un enfant. Si bien qu’avec son ventre arrondi, Elke est allée faire une demande de logement… Mais pas moyen de déménager, les listes d’attentes étaient longues, il fallait attendre trois ou quatre ans avant d’espérer quoi que ce fut. Mais je suis enceinte ! Mon bébé va naître dans quelques mois s’est défendue Elke. Votre enfant peut très bien mourir à la naissance, lui fut-il répondu. Revenez donc quand il sera né. C’est ce qu’elle a fait, et par chance elle a pu obtenir un logement à Marzahn, ce quartier en construction à l’est de Berlin. Les immeubles étaient tout juste sortis de terre et disposaient de tout le confort moderne. Un rêve pour la jeune maman.
 
Comme Christiane, Elke évoque avec nostalgie la solidarité des familles qui lui permettait de travailler sans s’inquiéter de son enfant malgré ses horaires irréguliers. Il lui arrivait d’ailleurs aussi d’accueillir les enfants des autres. Elke était traductrice de théâtre pour la Theater Verband, et travaillait aussi à l’organisation de festivals internationaux. Elle ne sentait pas de ligne esthétique déterminée par le réalisme socialiste. Ce dont elle se souvient, c'est que l’art en général et le théâtre n’était pas réservé à une élite culturelle ou sociale. Les billets étaient très bon marché, et les entreprises organisaient des soirées au théâtre pour leurs employés. J’allais souvent au spectacle avec Christiane, dit-elle, et cela ne représentait pas de sacrifice financier particulier.
 
Elke avait la chance de pouvoir voyager pour son travail. Toujours vers l’Est, mais voyager, c’est voyager… qu’importe la direction. Elle a même eu la possibilité d’emmener Christiane en vacances en Hongrie à plusieurs reprises. C’était évidemment plus difficile quant il s’agissait d’aller voir ce qui se passait à l’Ouest. Ainsi elle a dû réclamer pendant des mois avant d’avoir l’autorisation d’aller assister à une pièce de Tadeusz Kantor qu’elle n’avait jamais pu voir en Pologne car il était constamment en tournée. Il était particulièrement difficile d'obtenir l’autorisation d’aller à l’Ouest pour les célibataires, et dans le cas d’Elke, la présence de Christiane à l’Est constituait une forme de garantie de retour.
 
La censure frappait des films, des textes, des pièces qui dépeignaient des réalités déplaisantes en DDR. De ce point de vue, la DDR n’a pas connu de Perestroïka. Les artistes devaient donc faire des compromis. Elke note qu’aujourd’hui on fait également des compromis, pas les mêmes, pas pour les mêmes raisons mais des compromis.
 
En fait, la pression qui s’exerçait sur les créateurs reposait sur l’idée que l’art et la littérature étaient extrêmement puissants et pouvaient mener à une révolution. Cette idée fait encore sourire Elke, qui ajoute : c’est vrai, le public était beaucoup plus sensible à ce qu’il lisait ou voyait qu’aujourd’hui, les choses avaient une toute autre portée. Elle me raconte ainsi comment elle a pu lire le roman « Nous autres » de Evgueni Zamiatine qui se trouvait à la Staatsbibliothek. Il lui a d’abord fallu obtenir une autorisation particulière. Puis rendez-vous fut pris avec la bibliothécaire. Le jour dit, Elke s’est présentée. La bibliothécaire est allée au magasin prendre le livre, elle a emmenée Elke dans une pièce, déposé le livre sur la table et laissé Elke et le livre avant de partir en refermant la porte à clef. Lorsque Elke avait besoin de se rendre aux toilettes, elle devait sonner, la bibliothécaire venait lui ouvrir, prenait le livre, le rangeait en sécurité, puis l’emmenait aux toilettes… avant de répéter le processus en sens inverse pour que Elke puisse poursuivre sa lecture.
 
Elke avait une demi-sœur à l’Ouest, qui lui envoyait régulièrement des livres. Au fil des années, la politique en matière de courrier s’est durcie et les paquets étaient souvent retournés à l'envoyeur. Elke raconte ainsi les péripéties liées à l’envoi de En attendant Godot. Elle avait lié connaissance avec un Français auquel elle avait donné des cours d’allemand à Weimar. Celui-ci pour la remercier lui a envoyé le livre par la poste. Le paquet lui fut retourné. Elke lui demanda alors d’envoyer le livre à sa sœur à Regensburg, qui le mettrait dans un gros paquet contenant des choses diverses et le livre passerait davantage inaperçu. Peine perdue, le paquet fut ouvert et renvoyé à l’expéditrice. De guerre lasse, la sœur d’Elke arracha la couverture du livre, et l’envoya ainsi sans mention de titre et d’auteur. C’est ainsi que le lut Elke. Il lui fallu attendre encore de nombreuses années avant que sa mère, en visite à Regensburg ne rapporte la couverture de l’ouvrage à Elke, cachée dans la doublure de son sac à main. L’affaire est particulièrement drôle quand on pense au livre de Beckett, mais on se demande bien en quoi il pouvait être considéré comme dangereux...
 
Sa sœur était partie vivre en Bavière après la guerre, avant qu’il soit question d’Est et d’Ouest, alors que le reste de la famille vivait à Halle. Elles avaient une grande différence d’âge et leurs relations étaient essentiellement épistolaires. La sœur n’était venue en visite que très exceptionnellement et pour Elke, cela ne provenait que du fait qu’elle habitait très loin. Elke n’a pleinement pris conscience de l’existence du Mur et de ce qu’il  signifiait pour les Allemands de l’Est qu’en emménageant à Berlin. Il faut dire que sa présence était obsédante pour elle, dont les fenêtres donnaient directement sur le Mur. Sur les plans de la ville que l’on pouvait se procurer dans le commerce. La zone au-delà du mur était représentée en blanc. Comme s’il n’y avait là que le néant. De sa fenêtre, elle apercevait le clocher d’une église, mais ignorait son nom, et sa situation exacte. Ainsi, lors de sa première visite de Berlin Ouest, des années plus tard, à l’occasion de la représentation du spectacle de Kantor, elle s’est aussitôt offert un plan de la ville et est partie à la recherche du clocher. Il s’agissait en fait de Bethanien, d’où elle a ensuite aperçu ses propres fenêtres, de l’autre côté du mur.
 
Malgré tout, Elke ne se sentait pas prisonnière en DDR. Elle avait une vie professionnelle et personnelle riche. Elle ne s’est sentie comme un oiseau devant regagner sa cage que lors de son bref séjour chez sa sœur à Regensburg en 1986, car en la quittant, elle ignorait si elle aurait la possibilité de la revoir un jour. Le reste du temps, elle avait tant à faire qu’elle n’avait aucun doute concernant le fait que sa place était à Berlin Est. Elle n’aurait pas pu dire adieu à tout cela. Elle est très consciente d’avoir été passablement privilégiée, en DDR, mais elle s’y était construit une bonne vie. Je ne suis peut-être pas une révolutionnaire, dit-elle en riant.
 
De fait, Elke s’est toujours tenue à l’écart des manifestations. Elle n’aurait pas voulu risquer une arrestation. Que serait devenue Christiane sans elle ? Le 4 novembre 1989, même elle a glissé un mot dans son passeport indiquant que sa fille était seule à la maison et qu’il fallait prévenir telle et telle personne pour prendre soin d’elle au cas où elle serait arrêtée.
 
A la chute du Mur, elle est restée sans voix, ne voyant que les problèmes engendrés par la réunification. Elle était choquée par la rapidité des événements. Le 4 novembre, les manifestants réclamaient une réforme de la DDR. Cinq jours plus tard, la DDR était en train de disparaître purement et simplement. Et Elke regardait impuissante ses concitoyens courir manger des bananes à l’Ouest. Bien sûr certains retrouvaient leur famille, leurs amis perdus depuis longtemps, mais la plupart allaient dépenser  les quelques Deutsch Mark offerts par le gouvernement de la RFA sans voir ce qui viendrait ensuite, le chômage, les loyers élevés, l’angoisse du lendemain… Elke était désespérée de tant de naïveté. Et l’avenir ne lui a pas donné tort, puisque la Theater Verband pour laquelle elle travaillait  rapidement été dissoute. Plus personne ne s’intéressait au théâtre des pays de l’Est. En RFA, il n’y avait qu’une société dramaturgique, qui n’incluait ni acteurs, ni metteurs en scène, ni marionnettistes… Il fut un temps question d’unir les deux entités, mais pour cela, il aurait fallu que la société dramaturgique évolue… L’idée fut rapidement abandonnée.
 
Dans ce contexte, Elke s’est beaucoup engagée pour le lycée dans lequel Christiane faisait ses études. Un lycée qui développait particulièrement l’étude des langues étrangères. Mais les financements furent coupés et les classes de russe fermées au profit des cours d’anglais. Dans le même temps, à Marzahn, les relations entre voisins se sont rapidement détériorées, les solidarités d’autrefois ne jouaient plus. Les amitiés ont sombré dans l’amertume. Certains sujets sont devenus tabous. L’argent, la politique ne pouvaient plus être abordés. La confiance mutuelle s’est défaite.

Elke a donc perdu son travail, et les perpectives qui y étaient liées. A l’agence pour l’emploi, on lui a expliqué qu’à 45 ans, elle était trop vieille et surqualifiée. C’est ainsi que sa vie Patchwork a débuté. Là j’ai fait tout ce qui était possible, dit Elke. J’ai suivi une formation, j’ai rencontré de nouvelles personnes, J’ai développé de nouvelles activités, comme l’enseignement de l’allemand langue étrangère et la pédagogie du théâtre. Malgré tout elle a souvent travaillé dans l’unique but de gagner de l’argent, et non  parce qu’elle y trouvait du plaisir comme elle le faisait auparavant. Elle a aussi bradé son travail, juste pour pouvoir survivre. Elle connu plus de bas que de hauts, mais elle reconnaît que sans la chute du Mur, sa fille n’aurait pas pu mener la même vie, elle n’aurait pas pu ainsi partir vivre à l’étranger et étudier comme elle l’a fait.
 
Elke s’est créé de nouvelles amitiés avec des personnes plus jeunes, souvent issues de l’Ouest, et curieuses de l’histoire qui fut la sienne. Et puis elle est aujourd’hui grand-mère, Christiane a accouché de sa deuxième petite fille il y a quatre jours, peu d’heures après notre interview…  

 

 

 

 



 

 

Berlin, 10 août 2015

 

 

 

 

 

 

Christiane Wiegand 10 août 2015

 

 

 

 

 

Nous rencontrons Christiane Wiegand, dont Lucie nous a donné les coordonnées. Christiane est metteur en scène. Elle emploie l’expression « Theater Macherin », faiseuse de théâtre, et elles ont travaillé ensemble voici quelques années. Elle nous a donné rendez-vous aujourd’hui en précisant que la naissance de son deuxième enfant étant prévue quelques semaines plus tard. Avec son gros ventre, elle ne bouge plus guère et a tout le temps de discuter.

Elle habite à Lichtenberg, un quartier tranquille de Berlin-Est. La gentrification galopante à l’œuvre dans la capitale allemande y est à peine perceptible. Christiane crée notamment des projets liés au lieu où elle habite, présentés dans l’espace public, mêlant professionnels et habitants. Elle a notamment lancé un projet de calendrier de l’avent avec les habitants. Ainsi, chaque jour de décembre une porte, ou une fenêtre s’ouvre dans le quartier et les habitants se surprennent les uns les autres. Elle évoque aussi un autre projet développé dans l’espace public, à la limite du documentaire et du théâtre pour lequel elle a fait des recherches concernant les noms des rues. Elle ainsi monté un spectacle  mettant en scène des résistants au nazisme, qui ont donné leur nom à des rues du quartier, mais ont été oublié de la mémoire populaire.  
 
Lorsque je lui demande comment elle organise son temps entre sa vie de famille et son travail, elle déroule un canevas complexe de crèche, de ping pong avec son compagnon qui a lui aussi des horaires irréguliers et conclue en disant que rien de tout cela ne serait possible sans sa mère, qui comble les brèches de leurs emplois du temps respectifs.  

Christiane est née dans un milieu théâtral. Son père est metteur en scène et sa mère traductrice. Elle a traduit de nombreuses pièces. Christiane a passé son enfance au théâtre, dans les coulisses, dans les gradins, mais aussi sur scène. Elle n’a pas vraiment pris la décision de faire du théâtre. C’est ainsi, tout simplement.  

Elle a grandi à Marzahn. Sa mère s’y est installée alors que le quartier était encore en construction et la crèche n’avait pas ouvert. Elle a donc travaillé de chez elle pendant quelques mois avant de reprendre ses activités à temps complet. Mais son travail impliquait aussi qu’elle travaille le soir et qu’elle assiste fréquemment à des représentations. L’enfant était donc confiée à une voisine ou l’autre, réseau de femmes qui s’entraidaient, d’autant que nombreuses étaient les mamans célibataires. Il arrivait même qu’une éducatrice de la crèche la prenne chez elle après ses heures de travail. Ce genre de service n’impliquait aucune contrepartie et jamais Christiane n’a été gardée par une baby sitter rémunérée. Il lui semble qu’aujourd’hui la solidarité entre familles est moins importante. Chaque cercle familial lui paraît davantage fermé sur lui-même. Les parents sont responsables de leurs propres enfants, cela ne va pas plus loin. Christiane, qui se souvient avoir considéré tous les adultes comme des recours possibles dès son plus âge  en est choquée. Elle jouait dans la cour de son immeuble sans inquiétude, sachant qu’un adulte veillait. C’était le rôle des adultes. Elle développe une thèse amusante sur les enfants de la DDR considérés comme propriété de l’Etat, dont chacun devait prendre soin. Elle va plus loin en m’expliquant que chacun était responsable de tous. Ainsi à l’école lorsqu’un enfant était en difficulté, toute la classe cherchait comment faire pour que l’enfant réussisse mieux en maths ou en allemand… C’était un bien tant que cette solidarité venait des enfants. Mais ce comportement pouvait aussi être imposé d’autorité par de plus hautes instances.  
 
Dès le plus jeune âge, il était clair qu’il y avait des sujets que l’on pouvait aborder à la maison, mais pas à l’extérieur. Elle regardait la télévision de l’Ouest avec sa mère qui appelait l’émission d’information de RDA « Aktuelle Kamera » l’heure des contes… Tout en indiquant que la télévision de l’Ouest mentait aussi.  
 
Elle avait 11 ans lorsque le mur est tombé, et a alors senti les inquiétudes de sa mère dont les activités étaient liées à la politique culturelle de l’Etat. De fait, elle a d’ailleurs perdu son travail deux ans plus tard. Les relations avec les voisins se sont aussi détériorées à la même période, car chacun était inquiet pour son avenir. Le quartier a changé aussi. Il est devenu dangereux. Et elle a fini par s’y sentir un peu étrangère.  

Dritte Generation Ost, celle des enfants de la DDR nés après 1975 et qui ont vécu leur enfance en DDR mais leur âge adulte après la chute du mur, comme Christiane. Quant elle, elle a longtemps eu le sentiment qu’elle n’appartenait pas au pays libéral qui était désormais le sien et a préféré vivre à l’étranger pendant une dizaine d’années, avant de revenir et de s’installer avec son compagnon.
 
Christiane a longtemps peiné à critiquer la DDR. C'était le pays de son enfance, et son enfance a été belle... Christiane a le sentiment que celle-ci s'est achevée le 9 novembre 1989 lors de la chute du Mur.

 

 

 


 

Berlin, le 4 janvier 2015

 

 

 

 

 

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Alexandre part faire des images à l‘est de Berlin, pendant que je me concentre sur l’écriture de Angels. 

 

 

 

 


Genève, 26 novembre 2014

 

 

 

 

 

 

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Rencontre avec Jean Jourdheuil dans un café de Genève. Il est venu accompagner sa mise en scène Vie de Gundling Frédéric de Prusse Sommeil rêve cri de Lessing de Heiner Müller

 

 

L’histoire de Jean Jourdheuil avec l’Allemagne s’enracine loin dans son histoire familiale et ne s’engageait pas sous les meilleurs auspices. Sa famille alsacienne a quitté la région avant la Première Guerre Mondiale afin d’éviter de devoir adopter la nationalité allemande. Son père et son oncle ayant péri sous les coups des Allemands, il n’avait guère de sympathie pour ce peuple. Sa mère l’a pourtant inscrit à des camps de vacances en Allemagne lorsqu’il était adolescent et il a appris l’allemand très tôt. C’est ainsi qu’il a entamé une traduction de L’Achat du cuivre, une pièce de Bertolt Brecht en collaboration avec Béatrice Perregaux dès 1966. Aujourd’hui, il dit en riant qu’il est devenu homme de théâtre et non révolutionnaire professionnel, grâce à Bertolt Brecht.

 

 

Jean Jourdheuil nous rappelle que Die Bauern qui traite de la réforme agraire est la pièce qui a valu à Müller son exclusion de l’union des écrivains suite à la mise en scène qu’en avait faite Klaus Tragelehn en 1961. Ce dernier a d’ailleurs quant à lui été condamné à travailler dans les mines de lignite pendant plusieurs années suite à cette affaire. Jean Jourdheuil nous explique aussi pourquoi les problèmes rencontrés par Müller ont été moins importants. Celui-ci avait de nombreux et importants soutiens, notamment ceux de Markus Wolf, pilier du régime socialiste dont l'engagement ne faisait aucun doute, et d’Anna Seghers alors présidente de l'Union des écrivains qui aurait été jusqu’à dire qu’il ne fallait pas condamner le talent. Il a donc été jugé « objectivement contre révolutionnaire ». Une telle décision signifiait qu’il pouvait s’amender, d’autant qu’il avait rédigé son autocritique sous la houlette de Helene Weigel, directrice du Berliner Ensemble et épouse de Bertolt Brecht lui-même…

 

 

La pièce a quant à elle subi plusieurs remaniements, dont le plus connu est Die Umsiedlerin. Cependant l’ouvrage traduit par Irène Bonnaud et Maurice Taszman  sous le titre La Déplacée reprend en réalité la version initiale du texte, tandis que la version montée par Marquardt en 1976 avait été retravaillée afin de ne pas provoquer de nouveaux problèmes.

 

 

 



 

Berlin, 21 octobre 2014

 

 

 

 

 

 

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Genève, 13 septembre 2013 



 

 

 

 

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Rendez-vous  à 10h00 au théâtre en rond du théâtre Saint Gervais. Après avoir vu Lucie sur scène à plusieurs reprises, notamment dans la Décennie rouge, mis en scène par Michel Deutsch, nous avons eu envie de la rencontrer afin d'envisager une collaboration sur Volks/bühne.

 

Lucie est bilingue franco-allemande. Elle a quitté Genève pour vivre à Berlin. Elle exerce son métier d'actrice aussi bien là-bas qu'ici, et a une vraie connaissance des thématiques que nous nous proposons d'aborder dans ce spectacle. La question de la femme en DDR l'intéresse et en particulier l'articulation de la vie professionnelle et du politique avec la vie privée. Ces particularités sont pour nous autant de raisons de travailler avec elle. Des raisons auxquelles s'ajoute sa fraîcheur, et sa manière de livrer les textes, sans emphase. Nous lui demandons de lire le début de Marzahn. Nous sommes émus d'entendre à nouveau ce texte. Et de retrouver son rythme particulier, sa prosodie, son cheminement tout d'associations d'idées et de ruptures. Lucie accélère se tait, reprend, comme si elle déchiffrait une partition et non un texte. Il est un peu tôt pour aller plus loin maintenant, la production du spectacle n’en étant qu’aux balbutiements. Mais Lucie nous donne des idées de gens à rencontrer et nous prévoyons de nous croiser ici ou à Berlin et de nous tenir au courant de l'avancée de nos projets respectifs.
 

 

 

 

 

 


 

Berlin, 19 juin 2013

 

 

 

 

 

 

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Aux archives de l'AdK

Nous visionnons d'abord un documentaire concernant les répétitions de Die Bauern, une pièce de Heiner Müller mise en scène à la Volksbühne par Fritz Marquardt en 1976. On dirait d'abord un théâtre d'ombre, puis les comédiens entrent dans la lumière en descendant l'escalier blanc qui constitue l'essentiel de la scénographie. En fond de scène, un cyclo et des panneaux qui descendent des cintres et y remontent selon les moments. Une technique classique au service d'une esthétique très sobre. Le décor et les costumes semblent déjà en place, les comédiens connaissent leur texte, et se déplacent avec aisance sur le plateau. Les personnages et leurs attitudes sont stylisés, l'ensemble forme un tableau d'un grande simplicité. Les silhouettes et les objets se découpent sur les marches blanches, et par instants me font penser à des notes sur une portée. J'apprécie énormément le fait que le spectacle ainsi mis en scène puisse s'adresser tout à la fois à un public averti qui y trouve des références et des correspondances qui situent le spectacle dans une culture théâtrale et qu'il s'agisse pourtant d'un spectacle accessible qui repose sur une forme d'évidence. L'ensemble donne le sentiment que le gros du travail a déjà été accompli et qu'il faut maintenant de régler minutieusement les détails. Nous sommes particulièrement intéressés par la manière dont Marquardt s'attache à préciser les attitudes corporelles des différents personnages pendant un monologue. Tous écoutent, mais chacun poursuit sa tâche comme indifférent à la parole proférée.
 
Nous souhaitons ensuite visionner La Bataille de Heiner Müller, mais la copie est en si mauvais état que nous renonçons rapidement. Nous notons seulement ceci, une voix off dit les didascalies, décrit le décor. Elle indique même qui parle et qui fait quoi. Ainsi les acteurs ont-ils l'air d'obéir à une instance plus haute.
 
La cassette VHS de Tracteur ne vaut pas mieux, les personnages et le décor disparaissent dans une neige vidéo qui rend le visionnage impossible. Juste le temps d'apercevoir quelques bribes du spectacle : une femme joue la Lettre à Elise au piano tandis que le décor est enlevé et changé. Une table à laquelle des convives sont assis sert aussi de plateau sur lequel un comédien monte pour prendre la parole. Fera-t-il office de repas ? La lettre à Elise interprétée de manière toujours plus heurtée revient à plusieurs reprises durant la pièce comme un leitmotiv.
 
 
 
 
 
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Berlin, 17 juin 2013

 

 

 

 

 

 

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Grâce à la gentillesse d'Anja Dansberg, Alexandre est allé faire des repérages dans divers espaces de la Volksbühne.

 

 

 

 

 


 

Berlin, 13 juin 2013

 

 

 

 

 

 

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Nous avons rendez-vous avec Wilfried Schober. Nous le retrouvons à la cantine, qui se révèle décidément être un centre névralgique de la Volksbühne. Nous y apercevons d'ailleurs Barbara Schultz venue chercher un café avant de remonter mettre en cartons les milliers de documents que contiennent les archives afin qu'ils soient déménagés pendant le temps des rénovations.

 

Wilfried Schober est un petit homme rond au regard malicieux. Il travaille à la Volksbühne depuis 41 ans. Il a commencé là par hasard, sans formation particulière, comme ouvrier, puis s'est spécialisé dans la construction des décors. Il est aujourd'hui régisseur plateau.

 

Quant à son travail, il en explique l'évolution ainsi : autrefois, un décor se transportait aisément dans un container, on pouvait en charger et décharger les éléments, le monter et démonter à deux voire quatre personnes. Aujourd'hui, 23 personnes sont employées à la Volksbühne pour accomplir ce travail. Il nous raconte aussi qu'à cause des plans quinquennaux, les commandes de matériel devaient être faites au moins deux ans à l'avance, ce qui est particulièrement inadéquat quand on travaille dans le domaine de la création.

 

Comme avec Achim Busch, je pose à Wilfried les questions qu'Alexandre et moi avons préparées concernant l’impact de la chute du Mur sur la vie et le travail des employés de la Volksbühne avec le sentiment qu'elles tombent dans le vide, même s'il y répond de bonne grâce.

 

Concernant Benno Besson, il nous fait le récit d'une anecdote amusante. Dans la mise en scène que Besson fit de La Bonne Âme du Séchouan au début des années 1970, le décor était constitué de morceaux de papier journal fripé derrière lesquels Wilfried devait se tenir dissimulé jusqu'au final. A ce moment-là il devait tirer sur une corde afin de faire disparaître des éléments de décor dans les cintres, tout en reculant derrière les pendrillons pour demeurer invisible. Mais il s'est endormi pendant la représentation et lorsque ses collègues ont fait disparaître le décor il s'est retrouvé ensommeillé au milieu du plateau face à un public hilare…  Le lendemain il s'est rendu au bureau de Benno Besson pour s'excuser.

Tu étais ivre ?

Non, fatigué.

Comment ça fatigué ?

J'habite en banlieue, je fais une heure et demie de trajet à l'aller et autant au retour - en réalité, ce n'était pas si loin, mais il fallait alors contourner Kreuzberg, ce qui rendait le parcours long et complexe - Alors Besson a décroché son téléphone et fait en sorte que Wilfried puisse emménager rapidement dans un appartement en ville alors qu'il fallait pour cela une autorisation particulière et bien souvent des années d'attente. Il y habite encore aujourd'hui.


 

 

 

 

 

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Wilfried nous montre ensuite la scène avec son plateau tournant installé en 2010 ainsi que la régie depuis laquelle on peut intervenir à la fois sur le son et la lumière tout en restant en lien avec les loges. Notre rencontre touche maintenant à sa fin car la répétition commence, il doit retourner au travail.

 

 

 

 

 

 

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Nous partons pour les archives de l'Akademie der Künste afin de visionner un documentaire concernant le travail accompli par Benno Besson avec des ouvriers des usines Narva autour de l'Exception et la règle de Bertolt Brecht.

 

On y perçoit d'abord le scepticisme des ouvriers et les maladresses de l'équipe artistique. Je crains un moment que le projet ne tourne court, puis l'énergie, l'enthousiasme et l'inventivité de Benno Besson l'emportent. Les ouvriers lisent ensemble le texte à voix haute. Leurs voix s'élèvent toutes à la fois et c'est comme une prière. Puis isolément, elles se départissent de leur application, de leur gaucherie et trouvent progressivement leur singularité. Au fil des séances de travail, mouvements et déplacements se développent, des accessoires apparaissent. Le spectacle se construit.

 

 

 

 

 

 

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Berlin, 12 juin 2013

 

 

 

 

 

Nous sommes allés à Pankow, marcher dans le quartier où Heiner Müller a longtemps vécu. Arrivés en bas de son immeuble, une voisine nous demande ce que nous faisons là. Lorsque j'explique, elle dit ah oui Müller...  Il habitait en haut. Ce n'était pas un très bon voisin, il ne me saluait pas dans l'escalier…

 

 

 

 

 

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Berlin, 7 juin 2013

 

 

 

 

 

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J'ai donc contacté Achim Busch sur les conseils de Barbara Schultz. Rendez-vous à 13h00 à la cantine du théâtre. On y accède par un petit escalier qui mène au sous-sol, il y a là de grandes tables rondes, de lourdes chaises de bois. Le temps y semble suspendu sous la lumière dorée des abat-jour. Achim Busch est là, au milieu d'un groupe d'hommes qui ont tout juste terminé leur déjeuner. Son regard clair est espiègle sous ses épais soucils en broussailles. Nous commençons l'entretien à la cantine, mais renonçons vite car il y a tant de bruit que je ne saisis pas ses paroles. Son puissant accent berlinois y est sans doute aussi pour quelque chose. Au terme d'une longue carrière à la Volksbühne Achim est aujourd'hui retraité et revient régulièrement au théâtre pour rendre visite à ses anciens collègues et faire découvrir le théâtre aux touristes ou aux étudiants. Il se souvient de Benno Besson, de son humour et de sa manière de travailler. A l'époque il était régisseur lumière et devait partager son temps entre les différents projets qui se montaient simultanément dans le théâtre, il ne pouvait donc pas assister à toutes les répétitions. Ainsi un jour qu'il était à son bureau, Benno Besson était venu le chercher en disant : tu ne t'intéresses donc pas à mon travail ? C’est que Besson exigeait la présence de tous aux répétitions, y compris celle des membres de l'équipe technique. Achim note que Frank Castorf aujourd'hui directeur de la Volksbühne a une attitude toute différente et se concentre surtout sur l'accompagnement des acteurs. Achim constate aussi que le rapport au temps n'est plus le même. Les répétitions commençaient plus tôt, et s'achevaient de même. On arrivait à l'heure. Il me raconte l'anecdote suivante : un metteur en scène fâché que ses comédiens soient de moins en moins ponctuels les convoqua pour une répétition en leur disant qu'elle serait déterminante pour la suite du travail et qu'ils devraient y être présents de bout en bout. A l'heure dite, il n'apparut pas, puis fit informer les comédiens trois heures plus tard que la répétition était terminée.

 

 

Je pose les questions que j'ai préparées, mais j'ai le sentiment que je suis souvent à côté de la plaque. On dirait que pour Achim Busch, la chute du mur n'a pas changé grand-chose. Les spectacles sont des spectacles, il faut réaliser les projets des metteurs en scène et des scénographes, construire et monter des décors, les démonter et les stocker. Ce qui diffère, c'est qu'à l'époque, on faisait avec le matériel disponible, tandis qu'aujourd'hui il y a toujours moyen d'obtenir ce dont on a besoin.

 

 

Achim accueille ensuite un groupe d'étudiants en visite à Berlin. Comme le groupe est en retard, l'un des jeunes gens demande à quelle heure s'achève la visite, et si on pourrait faire plus bref car leur programme est très chargé. Achim reste souriant, détendu, mais il me semble qu'au fond il ne saisit pas bien ce que ces oiseaux sont venus faire là s'ils ne sont pas prêts à prendre le temps nécessaire aux histoires, aux anecdotes, aux explications techniques…

 

 

Il nous fait entrer dans la grande salle et nous montre les transformations qui ont été réalisées dans le théâtre depuis sa reconstruction. Ainsi le gradin est-il récent. Les fauteuils étaient autrefois disposés sur un plan horizontal. La scène a aussi été agrandie et surélevée et un nouveau plateau tournant y a été installé en 2010. Il explique qu'en cas d'incendie un rideau de métal descend pour séparer la salle de la scène afin d'éviter les appels d'airs propices à la propagation du feu et de la fumée. En effet, dit-il un théâtre avec ses cintres, peut se révéler être une cheminée géante. Il me signale que le premier souci de Benno Besson lorsqu'il a pris la direction de la Volksbühne a été de supprimer les loges réservées aux officiels. Ces derniers lui en ont gardé une forme de rancune, mais il s'agissait pour Besson de faire en sorte que la Volksbühne soit vraiment un théâtre populaire et non un théâtre pour officiels. La visite est écourtée par les étudiants, qui ont hâte d'arriver en retard autre part où on les attend déjà. Je reste quelques instants encore. Pour ma part je préfère le temps d'Achim Busch, son humour à la frénésie de la ville. Il part en vacances le lendemain, mais propose que nous nous revoyions à son retour si j'ai besoin d'autres informations. Oui oui ce serait formidable. Oui merci pour votre temps, votre sourire et votre générosité.
 

 

 

 

 

 

 




 

 

 Berlin, 13 mai 2013

 

 

 

 

 

 

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Rendez-vous avec Barbara Schultz, archiviste à la Volksbühne. Elle vient nous chercher à l'entrée des artistes et nous guide dans un dédale de couloirs et d'escaliers. Il faut gravir plusieurs étages car les archives sont conservées sous les toits. Barbara nous explique que tous les documents dont elle dispose sont en papier, les films et les bandes sonores ont été transférés aux archives de l'Akademie der Künste car la chaleur des combles les détériorait.

 

Les documents présents ici forment néanmoins une masse imposante, et en multiplication permanente, comme en témoignent les centaines de classeurs serrés dans les étagères qui s'élèvent jusqu'au plafond et les piles de journaux qui s'amoncellent sur le bureau de Barbara et au pied de celui-ci. La tâche de classer ces documents toujours plus nombreux relève du mythe du Sysiphe. Mais notre hôtesse rétorque qu'il faut plutôt s’en réjouir car la plupart des théâtres ne peuvent s'offrir le luxe d'avoir un service d'archives.

 

 

 

 

 

 

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Nous y trouvons la distribution complète des spectacles, des programmes, des articles de presse, mais aussi les retranscriptions des discussions d'après-spectacle. Elke Tasche, qui était alors dramaturge au théâtre retranscrivait à la machine les commentaires du public concernant les spectacles. Je suis frappée par l'intervention d'un enseignant qui explique qu'il était déjà adulte et militaire lorsqu'il a appris en 1942 que son père était communiste. Un autre dit qu'il a traversé assez de guerres et préfèrerait ne plus en entendre parler. Après une journée de travail il voudrait de la distraction. Je lis avidement ces remarques du public, il me semble que je vais trouver là matière à entamer l'écriture de mon texte.

 

Barbara nous aide aussi à établir la liste des personnes qui pourront répondre à nos questions. Elle n'a pas le droit de nous fournir leurs coordonnées, mais leur adressera une lettre que nous avons préparée pour elles.

 

Elle nous donne néanmoins le numéro de téléphone d'Achim Busch. Il était technicien à la Volksbühne. Aujourd'hui retraité, il fait volontiers visiter le théâtre à ceux qui sont curieux d'en connaître les recoins et les souvenirs.

 

 

 

 

 

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A la fin de l'entretien, Barbara propose de nous montrer les combles, elle ouvre une porte, à sa suite nous gravissons encore une volée de marches. Nous nous retrouvons dans la charpente du bâtiment, là des passerelles forment un parcours complexe permettant d'accéder aux appareils de chauffage, de climatisation et d'aération. Encore une porte, Barbara nous entraîne plus loin encore, sur le toit, dont on peut faire le tour.

 

 

 

 

 

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Berlin, 12 mai 2013

 

 

 

 

 

Chantier. Alexandre me fait remarquer que ce terme est commun au vocabulaire de la construction et à celui du théâtre. Il note que les outils sont souvent communs eux aussi. Peut-être parce qu'il s'agit dans les deux cas de construire un nouveau monde.

 

 

 

 

 

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Berlin, 11 mai 2013

 

 

 

 

Alexandre est allé voir Das Duell, d'après une nouvelle de Tchekhov, la mise en scène la plus récente de Frank Castorf. Ici la comédienne Bärbel Bolle. Elle débuta sa carrière en Allemagne de l’Est, avant la chute du Mur. Elle faisait alors pleinement partie de la scène qui nous intéresse et fut l’épouse de Manfred Karge. Elle ne fait aujourd’hui plus que de rares apparitions sur scène. 

 

 

 

 

 

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Berlin, 9 mai 2013

 

 

 

 

 

Alexandre fait ses premiers repérages photographiques. L'un et l'autre nous lisons l'ouvrage de Michel Deutsch, Germania, tragédie et état d'exception, un ouvrage peu synthétique qui constitue cependant une bonne introduction à l'oeuvre de Heiner Müller et au climat de la DDR. Nous consultons les archives en ligne de la Volksbühne sur le site www.volksbuehne-berlin.de/deutsch/volksbuehne/archiv/spielzeitchronik/. Nous nous concentrons sur la période pendant laquelle Benno Besson dirigea la Volksbühne, qui nous semble tout à la fois extrêmement féconde artistiquement et suffisamment proche dans le temps pour que nous puissions encore rencontrer ses acteurs. Nous resserrons plus précisément nos recherches autour des pièces de Heiner Müller, mises en scène à la Volksbühne  par lui-même, Benno Besson, Fritz Marquardt ou Matthias Langhoff. Ces premières recherches aboutissent à l’élaboration d’une première hypothèse de synopsis.  
 
Nous nous figurons ainsi une comédienne dans sa loge. Elle s'apprête à entrer en scène pour jouer dans une pièce de Heiner Müller. Elle monologue à propos de son quotidien et de sa condition d'artiste, évoquant ses collègues de travail et ses souvenirs. Elle suit distraitement la pièce qui se déroule sur le plateau et dont on entend des bribes, à savoir des phrases issues de pièces de Heiner Müller. En off, la voix de la comédienne enfant questionne les "spectres du futur" qui s'expriment à travers des interventions de musique noise jouée en live. Nous imaginons un plateau nu. Sur un tulle en fond de scène, des photographies des différents espaces du théâtre ainsi que des photos de famille en noir et blanc expriment les "spectres du passé". Des images en mouvement du ciel prises de nuit comme de jour évoquent le rêve, l'au-delà, l'intemporel. Il y aura aussi des plans plus abstraits de chantiers, de murs, de parois à franchir ou contourner pour découvrir ce qui se trouve derrière.

 

 

 

 

 

 

 



 

 

Berlin, 4 mai 2013

 

 

 

 

 

 

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Genève, mars 2013


   

 

 

 

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Suite à Funkhaus, un spectacle consacré à l'ancienne maison de la radio de Berlin-Est créé en 2009, nous avions envie d'explorer d'autres aspects de la mémoire et du présent de Berlin-Est. En créant Marzahn en 2012, nous avons plus particulièrement questionné l'architecture des Plattenbäuten, ces immeubles construits dans les années 1970 pour répondre à la crise du logement qui frappait l'Allemagne suite aux destructions de la Guerre. Nous avons alors rencontré architectes et habitants de ce quartier. Avec Volksbühne, du nom du Théâtre reconstruit après la guerre dans le quartier de Mitte, au cœur de Berlin, nous souhaitons nous intéresser plus particulièrement au milieu culturel de Berlin-Est pendant les années qui ont précédé la chute du Mur à travers les artistes et les techniciens que nous y rencontrerons.