Discours aux végétaux : le récit d’une émancipation par la nature.

Jeudi 14 Octobre au grand T à Nantes, Cosima Weiter (textes et voix) et Alexandre Simon (vidéo) nous ont régalés à travers une parenthèse enchantée toute en verdure et en poésie. Retour sur une expérience audiovisuelle d’exception, doublée d’une merveilleuse performance théâtrale.
 
Devant nos yeux, une étendue de végétation. La précision de la photographie – on remarquera plus tard qu’il s’agit bien d’une captation vidéo - est inouïe. Mauvaises herbes, bonnes herbes, herbes folles, poussent, s’épanchent devant nos yeux. Est-ce un fossé, un jardin, une forêt ? Ils auraient pu choisir un plan plus vaste, des arbres, des chênes par exemple, qui auraient bordé un chemin illuminé par les couleurs de l’automne, ou bien une prairie pastorale, recueil végétal de marguerites et de lavande. Ils auraient pu choisir un bosquet dans un parc, un arbre remarquable, ou que sais-je d’autre qui aurait reflété aux yeux du grand public l’idée de « nature », mais le choix de l’objet incite à voir au-delà de l’embuscade champêtre qui nous est ordinairement présenté comme unique monde végétal digne d’être admiré.
C’est devant cette jungle verdoyante qu’apparaît Cosima Weiter. Elle s’est assise au premier rang, l’air de rien, et elle est entrée en scène depuis son fauteuil. Elle s’approche de l’écran et l’image, et les sons, et le moment-même paraissent suspendus, tout cela n’appartient pas au spectacle, ni la salle ni l’artiste ni sa robe sur laquelle glisse lentement le vert de l’image au rythme de ses pas. Elle s’arrête. Le public retient son souffle.
 
Elle se met à nous parler de la fille toute petite et invisible qui « végétait au fond de la classe » et tisse devant son public un lexique merveilleux, rempli de références végétales, et nous conte surtout le mal-être de l’enfant, « grain de silence gris » qui se « ratataisais ». On devine aisément la suite : tout grain, quel qu’il soit, porte en lui le secret d’une pousse, d’une plante nouvelle qui finira inéluctablement par pousser, pourvu qu’elle ait assez de soleil.
 
Comment dès lors voir cette pièce autrement que sous le prisme d’une écologie subversive, poétique et toujours profondément humaine ? Il y a beaucoup de choses à dire sur cet incroyable morceau de spectacle vivant, objet littéraire bien sûr, d’une riche et foisonnante diversité, à l’instar de l'image et point de départ d’un rapport renouvelé entre le spectateur et son environnement rencontre un botaniste, qui « traduisait en mots humains le silence des plantes ».
 
Discours aux végétaux, c’est l’histoire de la petite fille qui, au cours d’une sortie scolaire, découvre les pouvoirs profondément curatifs de la forêt pour grandir, s’affranchir de sa timidité. Une performance théâtrale mettant en scène un personnage à la fois profond et candide, assortie d’une image époustouflante. Sur la vidéo, rien n’est laissé au hasard: les feuilles se balancent au gré du vent. Les fourmis défilent, montent sur l’écorce. Les branches semblent parfois dessiner entre elles une géométrie dont elles seules ont le secret. Et la petite fille se tient là, au milieu, silencieuse, immobile. Une image dépaysante accompagnée d’une mise en scène travaillée questionnant notre rapport au monde ainsi que l’intelligence du monde végétal. Discours aux végétaux est une véritable déclaration d’amour à la nature.
 
la redac'media 360, 22 octobre 2021,
Audrey Guillamet
 
 
 
 
 
 
 

Le-Lanceen-octobre-2019



Le Lancéen. octobre 2019, Mathilde Babel Rostan








Ces compagnies qui œuvrent loin des projecteurs 


(...) Initialement prévu pour une diffusion au Petit-Lancy, leur spectacle pluridisciplinaire «Discours aux végétaux» a subi le bal des annulations et reports. Néanmoins abouti en deux versions différentes – une légère, destinée à tourner dans les écoles, une «évoluée», promises aux plateaux de théâtre –, le projet attend de pouvoir se partager en juin, à Chêne-Bourg. «Pendant le processus de création, on a travaillé sans se poser de questions, en obéissant aux mêmes exigences que d’habitude, confie Alexandre Simon. Comme c’est le cas aujourd’hui sur «Nord», que nous devrions présenter au Grütli en février prochain.»

Mais afin de garder une trace de la pièce, qui lui permette de la reprendre au pied levé le moment venu, l’équipe a opté pour la réalisation d’une captation. «Pas pour le public, mais à l’intention des programmateurs, des journalistes ou du D.I.P.», précise le responsable de la part vidéo qui s’accouple avec l’écriture de Cosima Weiter. Et de développer: «Il faut songer à des objets alternatifs, conçus en fonction du projet scénique, mais diffusables par d’autres moyens. Cette crise nous oblige à inventer de nouvelles formes, et qui échappent si possible aux outils proposés par les géants de l’industrie numérique.» (...)



Tribune de Genève, 19 novembre 2020, Katia Berger


https://www.tdg.ch/ces-compagnies-qui-uvrent-loin-des-projecteurs-816041837108