Sheffield, 31 décembre 2015
A l’hôtel je fais la connaissance de Siah, une jeune comorrienne venue s’installer à Sheffield après avoir un temps vécu à Paris. J’étais très seule, dit-elle, mais maintenant je connais plein de monde. C’est une jeune employée du Premier Inn, l’hôtel où nous avons pris nos quartiers. J’aimerais poursuivre la conversation mais la rencontre est brève, et naturellement coupée par ses occupations. J’aimerais notamment savoir si elle a le sentiment de bien gagner sa vie, si elle est bien logée, pourquoi elle est venue, si elle envisage de rester, comment elle perçoit la société anglaise, si elle la trouve plus dure ou plus accueillante que la France, ce qu’elle pense des services publics… Et pourquoi n’est elle pas à Londres puisque son ami y vit ?
Il fait froid aujourd’hui à Sheffield. Le vent souffle en rafales. Dans la rue on relève le col de son manteau, baisse son bonnet sur ses oreilles, serre les mains au fond des poches. Nous prenons le bus pour Londres à quinze heures, le jour baisse déjà alors que nous traversons les infinies banlieues de Sheffield faites de maisons bâties en escaliers le long de routes en pente. Ces constructions de briques sont bien souvent pourvues de plusieurs étages. Au rez, la pièce à vivre, dotée d’un bow window donnant sur la rue, tandis que la cuisine donne sur une courette à l’arrière. Les chambres sont à l’étage, voire aux étages, ou même dans le sous-sol, aménagé à cet effet. Ces maisons semblent toutes identiques, souvent serrées les unes contre les autres, elles offrent des perspectives infinies, car les rues sont longues, à flanc de colline. Ces maisons si petites soient-elles se donnent des airs de châteaux. Chaque Anglais est monarque en son royaume, celui-ci fût-il un royaume de poche.
Je me promets qu’arrivée à Londres, j’essaierai de mieux comprendre ce qu’implique la monarchie. Et comment elle s’inscrit dans la société. Après quelque heures de route, dans la tempête et sous une pluie battante, sur les routes chargées du dernier de l’an nous voici à Londres. Je peine à rassembler mes souvenirs de la géographie de la ville. Nous errons un moment dans Victoria Station avant de retrouver la bouche de métro. Fait remarquable : le vendeur de tickets est incapable de nous indiquer le chemin à suivre pour nous y rendre… J’avais déjà été confrontée à cette parfaite ignorance de la géographie de Londres par ses habitants, mais elle me prend toujours au dépourvu.