ANGELS_letemps

Le Temps, 24 avril 2015, Marie-Pierre Genecand

 

 

 

 

 

ANGELS_lecourrier

Le Courrier, 24 avril 2015, Nicola Demarchi

 

 

 

 

 

 

 

Los Angeles mis en spectacle par Alexandre Simon et Cosima Weiter

La ville des SDF et des chiens bien coiffés

 

Après «Marzahn», spectacle inspiré de Berlin, les deux artistes Cosima Weiter et Alexandre Simon se sont immergés dans Los Angeles, «la ville du bout de la route», la mythique Highway 66, là où naissent et se fracassent tous les rêves américains.

Les deux artistes ont arpenté les rues sans piétons des quartiers high-tech, les ghettos grouillants de misère brute. Ils ont fait la tournée des bars de Sunset Boulevard «parmi les femmes attifées comme pour une soirée mondaine, les hommes en polo et les chiens bien coiffés.» Et refait le monde avec de vieux SDF tannés par le soleil de tous les possibles...

Leur Amérique, les deux Genevois la racontent à travers des migrants. Et ça donne «Angels», un film et un spectacle multidisciplinaire aussi improbables que la mégapole aux mille visages. Vidéaste, Alexandre Simon explore les confins de son art dans des installations et des dispositifs de création d’images à cheval sur toutes les disciplines. Auteure d’un langage ludique, hybride, mêlant sons fixés et voix live, Cosima Weiter s’illustre dans la poésie sonore. Cette polyvalence est le moteur de travail du couple qui, à l’enseigne de la Cie_Avec, s’impose par un processus de création original. Chaque spectacle interroge un territoire géographique et culturel où le texte, l’image, la scénographie entrent en résonance avec des entretiens menés sur place.

 

A voir dès lundi Le centre de culture ABC, qui soutient depuis le début le travail des deux Genevois, s’allie avec le TPR et le festival Les Amplitudes pour ce voyage à Los Angeles. Lundi soir, le théâtre ABC projette le film tiré du journal de bord des artistes avec un texte lu en live par Cosima Weiter, tandis que le spectacle sera à l’affiche de Beau-Site les 5 et 6 mai.

 

L’Express - L’Impartial, 25 avril 2015, CFA

 

 

 

 

 

 

 

Los Angeles à contre-courant de tous les clichés hollywoodiens

 

A l’affiche du TPR, la Cie_Avec a proposé un portrait de Los Angeles selon un dispositif très particulier: devant un écran panoramique où défilent les images dues au vidéaste Alexandre Simon, le comédien Pierre-Isaïe Duc interagit sur la scène en récitant un texte de Cosima Weiter écrit à partir d’interviews d’Angelins; Blaine Reininger (du groupe californien Tuxedomoon) assure l’illustration sonore en alternant guitare électrique et violon.

Après les manoeuvres d’atterrissage de nuit sur la mégalopole et une incantation toponymique, le spectateur une fois sur le bitume fait connaissance avec quelques-uns de ses 4 millions d’habitants, dont un maçon italien qui construit des tours à la manière du facteur Cheval, un épicier bengladais rétif aux traditions, un comptable mexicain métamorphosé le soir en drag queen...

Fragment de kaléidoscope, chaque personnage révèle son image en plan fixe avant que ses paroles réinterprétées n’évoquent origine et destinée. Loin des canons hollywoodiens et du guide touristique, on voit peu de choses de la cité des Anges sinon des rues, des entrepôts et l’omniprésente voiture. Le point de vue ethnographique prime pour que, d’après ce panel, L.A. finisse par faire entendre sa propre voix

.A contre-courant de l’idée de vitesse et de violence (hormis un riff sismique), il est ici fait l’éloge de la lenteur. On songe alors aux documentaires de Chris Marker, le cinéaste de la mémoire individuelle face à l’histoire. A travers le refus du spectaculaire, en donnant aux mots la préséance sur l’image, le duo avoue un certain ascétisme. Pour qui préfère les palpitations à la méditation, il reste la série «24 heures chrono» ou bien l’achat d’un billet destination L.A.

 

L’Express - L’Impartial, 9 mai 2015, Didier Delacroix

 

 

 

 

 

 

 

Voyage à L.A. au Grütli

Fresque d’anges contemplative

 

Sur la scène du Grütli, le sol est entièrement plastifié, luisant comme du macadam glacé. Ce bitume, c’est un peu celui de Los Angeles que le duo de la compagnie genevoise Avec_Productions a arpenté en tous sens à la recherche d’anges à interviewer. Après Highway, présenté au même Grütli en 2012, ce quatrième spectacle nous emmène dans un ailleurs bien réel. A Los Angeles, dès la fin 2013, Alexandre Simon et Cosima Weiter ont rencontré, interrogé et filmé des migrants issus de différentes communautés, souvent d’origines latines, pour saisir ce qui caractérisait leur exil. « Los Angeles attire des migrants du monde entier, séduits par le rêve américain et portés par le sentiment que là-bas tout est possible », affirment-ils pour expliquer leur point de départ.

 

Résultat : Angels, en création en ce moment sur la scène genevoise. Sur le plateau, le comédien Pierre-Isaïe Duc, sonorisé, prête sa voix, dans un long monologue, aux personnes rencontrées par les co-metteurs en scène. Un professeur d’origine mexicaine marié à une afro-américaine, un Sikh qui tient une épicerie de nuit et fréquente des membres de gang tout en écrivant un vaste roman d’anticipation, une jeune femme membre d’un gang latino, un drag queen ou un architecte important... La palette de personnages est large. Mais pas question de voir le comédien Pierre-Isaïe Duc incarner une parole, des attitudes de chacun des personnages que l’on croise sur l’écran en fond de scène. Alexandre Simon et Cosima Weiter affirment leur choix d’une forme plus contemplative de théâtre, quitte à désarçonner le spectateur.

 

Loin de l’univers hollywoodien

 

Lors de la présentation d’Angels à la presse, on découvre un extrait. L’image vidéo, d’une grande qualité, emmène loin. Cet ailleurs américain, filmé en plans principalement larges, dévoile une « Cité des anges » bien loin des images stéréotypées véhiculées par le monde hollywoodien. Le rythme est lent, les places que l’on découvre sont souvent vides. « Il ne s’agit surtout pas d’une forme de théâtre documentaire », prévient d’emblée Alexandre Simon. « Nous avons filmé des images qui s’apparentent à une réalité documentaire, et nous en avons tiré un film, Angels_L.A. Diary... Mais sur scène, par contre, ces images constituent notre matière première, au même titre que le texte, la lumière, la musique, etc. Tous les éléments portent le sens du spectacle qui ne repose pas sur le texte ou sur le rythme de la parole. » En somme, un spectacle pluridisciplinaire au vrai sens du terme : les outils du théâtre et ceux du cinéma se côtoient pour faire naître cette fresque contemplative, qui semble s’inventer en direct. Le musicien Blaine Reininger joue la bande sonore en live, sur le plateau, empoignant une guitare électrique, un violon, manipulant un ordinateur au rythme des images vidéo...

 

L’atmosphère générale de Angels oscille entre mélancolie, violence et calme. « Nous avons voulu guider le comédien vers cette forme de jeu, comme si les voix des huit personnages étaient dans sa tête. Les destins de ces personnes sont en quelque sorte tissés les uns avec les autres », explique Cosima Weiter. Exemple : Simon Rodia, immigré italien, intervient à plusieurs reprises. Après avoir traversé les Etats-Unis d’est en ouest, il s’est installé à Watts, au sud de Los Angeles, et y a construit des tours à partir de matériaux de récupération. Cette création d’architecture naïve, à la fois symbole des espoirs des migrants, mais aussi expression d’une aspiration à un retour aux sources est le grand projet de sa vie. Un cousin de Facteur Cheval, en quelque sorte...

 

Cosima Weiter a écrit des esquisses de textes à partir des témoignages recueillis. Sur scène, les thèmes se rejoignent, les préoccupations reviennent à travers les différents vécus : le rêve, la religion, le travail, le mensonge, l’exil. Les thématiques et les gestuelles inventées par le comédien, vont et viennent au fil du spectacle.

 

« Angels se déroule du crépuscule à l’aube et est composé de trois parties », raconte encore Cosima Weiter. « D’abord les origines : d’où viennent les personnages, jeunes ou moins jeunes, pourquoi se sont-ils exilés. Puis, une deuxième partie pose la question : « qu’est ce que je fais là ? ». Enfin, le troisième volet est axé sur l’avenir : comment les choses vont-elles tourner ? Quelles solutions trouver pour subsister ? » Au sein de ce multiculturalisme, personne n’est issu de la communauté blanche, ce qui témoigne, pour les co-metteurs en scène, des nationalités qui se croisent à Los Angeles. « Il nous est apparu que les racines des personnes sont finalement floues. Il y a une majorité de communautés latines à Los Angeles, ce qui reflète bien la fondation de la ville, au départ, où il y avait un seul Européen ! »

 

Le Programme.ch, avril 2015, Cécile Gavlak